La déclaration finale ou « plan de mise en œuvre » de Charm El-Cheikh ressemble davantage à un plan de maintien des objectifs et à un statu quo pour la prochaine COP.
La déclaration finale de la COP 27 : zoom sur le ‘Charm el-Cheikh implementation plan’.
Le cycle de négociation qui vient de s’achever en Egypte promettait des avancées dans la mise en œuvre concrète des engagements diplomatiques précédents. Globalement, la déclaration finale ou « plan de mise en œuvre » de Charm el-Cheikh ressemble davantage à un plan de maintien des objectifs et à un statu quo pour la prochaine COP qu’à une véritable mise en œuvre.
N.B. Nous présentons ci-dessous les points qu’il nous parait important de souligner. La totalité du texte est consultable sur le site de l’UNFCCC ici https://unfccc.int/documents/624444.
Coopération, équité et responsabilité commune mais différentiée : réaffirmation des principes fondamentaux sur lesquels s’appuie la politique de lutte contre le changement climatique.
En préambule, le Plan rappelle les principes fondamentaux d’équité et de responsabilité commune mais différenciée, tout en tenant compte d’un objectif plus large de réduction de la pauvreté et de développement durable. Il réaffirme les principes du multilatéralisme et des valeurs fondant les Nations Unies et plus largement l’importance de la coopération internationale.
Les Nations Unies n’ont pas l’exclusivité de la coopération en matière de politique de lutte contre le changement climatique. Celle-ci s’exerce également en dehors de ses conférences et de ses traités (Protocole de Kyoto, Accord de Paris sur le Climat, Pacte de Glasgow sur le Climat).
La déclaration finale réaffirme la volonté des états de poursuivre leurs efforts pour limiter l’augmentation de la température à 1.5°C. Dans le contexte actuel de récession économique et de crise énergétique, avoir maintenu le cap […] est probablement une victoire.
Besoin de renforcer l’ambition et la mise en œuvre.
Alors que la présidence égyptienne avait pour ambition l’accélération de la mise en œuvre des objectifs climatiques, la déclaration finale concernant le renforcement de l’ambition et la mise en œuvre dans le Plan de Charm el-Cheikh peut être jugée insuffisante voire lacunaire.
La science et l’urgence en temps de crise.
Le texte reconnait l’importance des contributions des travaux scientifiques à la construction des politiques publiques, notamment ceux du GIEC et de la World Meteorological Organisation (WMO) sur l’état du climat. Ainsi, il souligne « qu’il est urgent de s’attaquer, de manière globale et synergique, aux crises mondiales interdépendantes du changement climatique et de la perte de biodiversité dans le contexte plus large de la réalisation des objectifs de développement durable, ainsi que l’importance vitale de protéger, conserver, restaurer et utiliser durablement la nature et les écosystèmes pour une action efficace et durable en faveur du climat ». Il « reconnaît que les effets du changement climatique exacerbent les crises énergétique et alimentaire mondiales, et vice versa, en particulier dans les pays en développement ».
En s’appuyant sur les travaux récents du GIEC, la déclaration finale insiste sur le fait que les impacts du changement climatique seront beaucoup faibles à 1.5°C qu’à 2°C d’augmentation des températures. Elle maintient le niveau d’ambition global à 2°C et affirme la volonté des États de poursuivre les efforts pour limiter l’augmentation de la température à 1.5 °C.
Dans le contexte actuel de récession économique et de crise énergétique, avoir maintenu le cap et ne pas avoir rétropédalé vers un objectif de limitation de l’augmentation de température à 2°C est probablement une victoire (l’augmentation enregistrée est déjà de +1.1°C).
Le texte final souligne l‘importance d’adopter une approche de l’éducation qui favorise un changement de mode de vie tout en encourageant des modèles de développement et de durabilité fondés sur le soin, la communauté et la coopération.
Si le pétrole et le gaz ne sont pas explicitement cités dans la déclaration finale, ces sources d’énergie, particulièrement prisées par les pays développés, font l’objet de demandes d’un traitement équivalent à celui appliqué au charbon.
“One earth, many efforts”.
Le plan note l’importance de la transition vers des modes de vie et des modèles de consommation et de production durables pour lutter contre le changement climatique. Un sujet également porté par une grande nation « émergente » et en passe de devenir la plus peuplée de la planète, l’Inde, pour laquelle un « lifestyle » environnementalement compatible (Lifestyle for the environment ou LIFE movement) constitue un programme politique.
Le texte final souligne également l’importance d’adopter une approche de l’éducation qui favorise un changement de mode de vie tout en encourageant des modèles de développement et de durabilité fondés sur le soin, la communauté et la coopération.
L’impact potentiel des modifications des habitudes de consommation sur la planète est probablement majeur.
Nécessité d’une transition accélérée vers des énergies renouvelables.
Le communiqué souligne qu’il est urgent que « les Parties procèdent à des réductions immédiates, profondes, rapides et durables des émissions mondiales de gaz à effet de serre dans tous les secteurs applicables, notamment en augmentant les énergies renouvelables et à faible taux d’émission, en établissant des partenariats pour une transition énergétique juste et en prenant d’autres mesures de coopération. »
Il reconnaît que « la crise énergétique mondiale sans précédent souligne l’urgence de transformer rapidement les systèmes énergétiques pour qu’ils soient plus sûrs, plus fiables et plus résilients, notamment en accélérant les transitions propres et justes vers les énergies renouvelables au cours de cette décennie d’action critique ».
Il appelle les parties à « accélérer les efforts en vue de l’abandon progressif de la production d’électricité à partir du charbon et de la suppression progressive des subventions inefficaces en faveur des combustibles fossiles ».
Si le pétrole et le gaz ne sont pas explicitement cités dans la déclaration finale, ces sources d’énergie, particulièrement prisées par les pays développés, font l’objet de demandes d’un traitement équivalent à celui appliqué au charbon.
Les pays du sud ont principalement été impactés par les politiques d’exclusion du charbon, ressource largement disponible à moindre coût dans ces pays. Ces derniers invoquent le principe d’équité pour demander que les mêmes politiques d’abattement s’appliquent à l’ensemble des ressources fossiles et en font une condition pour leur propre application des politiques d’arrêt du charbon.
Pour limiter le réchauffement de la planète à 1.5°C, il faut réduire rapidement, profondément et durablement les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 43% d’ici 2030 par rapport au niveau de 2019.
Les actions de réduction des gaz à effet de serre autre que le carbone, comme le méthane, sont insuffisantes et doivent être approfondies d’ici 2030.
Urgence de la baisse des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.
Le Plan inscrit dans le marbre le fait que pour limiter le réchauffement de la planète à 1.5°C, il faut réduire rapidement, massivement et durablement les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 43% d’ici 2030 par rapport au niveau de 2019.
En marge de la COP 27, la conférence des parties à l’Accord de Paris sur le Climat a noté « avec une vive inquiétude » la conclusion du dernier rapport de synthèse sur les contributions déterminées au niveau national (NDC) selon laquelle le niveau total des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2030 devrait être inférieur de 0,3 % au niveau de 2019, ce qui n’est pas conforme aux scénarios les moins coûteux pour maintenir l’augmentation de la température mondiale à 2 ou 1,5 °C.
Les actions de réduction des gaz à effet de serre autre que le carbone, comme le méthane, sont insuffisantes et doivent être approfondies d’ici 2030. L’atténuation doit s’envisager plus largement en protégeant, conservant et restaurant la nature et les écosystèmes afin d’atteindre l’objectif de température de l’Accord de Paris, notamment en faisant en sorte que les forêts et les autres écosystèmes terrestres et marins jouent le rôle de puits et de réservoirs de gaz à effet de serre et en protégeant la biodiversité.
C’est un aveu d’échec majeur du dispositif actuel de gouvernance du climat.
Les États « du sud » ont obtenu à Charm El-Cheikh, la création d’un fonds pour les pertes et dommages.
Le Plan désigne le système financier (public, privé et l’aide internationale) comme le maillon fort du futur dispositif.
Échec du fonds d’adaptation mais création d’un fonds de compensation pour les pertes et dommages.
Les pays riches ont été incapables de doter le fonds d’adaptation des 100 milliards de dollars annuels promis pour 2020, malgré les rappels à l’ordre annuels.
Les États « du sud » ont obtenu à Charm el-Cheikh, la création d’un fonds pour les pertes et dommages. La dotation initiale est symbolique tout comme la reconnaissance d’un principe de « solidarité » entre pays riches et pays pauvres face aux dommages causés par le climat.
Les États les plus riches sont ainsi rappelés à leurs promesses financières.
Comme le soulève l’Inde dans sa NDC publiée concomitamment, « il existe un large éventail d’estimations concernant les pertes économiques et les dommages causés par les impacts climatiques sur l’économie. Isoler la composante climatique des pertes totales dues aux événements climatiques extrêmes reste un défi. Pour les pays en développement, il est essentiel que les pays développés respectent leurs engagements en fournissant un financement pour l’adaptation afin de minimiser les pertes supplémentaires, ainsi qu’une compensation adéquate pour les pertes et dommages inévitables ».
Ne pas faire de ce sujet financier une discorde sera un enjeu majeur des futures négociations en 2023. Le plan désigne le système financier (public, privé et l’aide internationale) comme le maillon fort du futur dispositif. Pourtant, la communication finale constate que les objectifs ne seront pas atteignables sans la réforme du système financier actuel qui peine à changer de paradigme.
Devant l’ampleur des besoins, ne pas être parvenu à mobiliser conjointement 100 milliards de dollars par an (le fonds est doté de 211,58 millions de dollars) montre que les arbitrages dans l’allocation des ressources financières peinent à évoluer.
Le « système financier » : une transformation nécessaire.
Nous avions rappelé dans un article précédent le fait établi par le GIEC qu’investir dans l’atténuation et l’adaptation au changement climatique promet un retour financier garanti, du fait de l’absence de résilience de nos économies et sociétés.
Face à la difficulté de chiffrer les ressources financières à mobiliser pour atteindre les objectifs climatiques, la communication finale de la COP 27 tente d’établir un bilan et un diagnostic.
Selon le scénario Zero Emissions Nettes (NZE Scenario) de l’Agence Internationale de l’Energie auquel fait référence le Plan, environ 4 000 milliards de dollars par an doivent être investis dans les énergies renouvelables jusqu’en 2030 pour pouvoir atteindre des émissions nettes nulles d’ici à 2050.
Selon les travaux du GIEC et de l’IEA, repris dans le rapport de l’UNEP, Emissions Gap report 2022, la transformation mondiale vers une économie à faible émission de carbone devrait nécessiter des investissements dans l’atténuation des secteurs de l’électricité, des transports, de l’agriculture et de l’utilisation des sols et des forêts, d’au moins 4 à 6 000 milliards de dollars par an d’ici 2030, pays développés et en développement confondus.
Les resources financières, nationales comme extérieures nécessaires à la mise en oeuvre – des contributions déterminées au niveau national des pays en développement – seraient estimées par l’UNFCCC dans son Needs Report (https://unfccc.int/topics/climate-finance/workstreams/needs-report) à près de 6 000 milliards de dollars pour la période pré-2030.
Les flux mondiaux de la finance climat sont faibles par rapport aux besoins globaux des pays en développement, ces flux étant estimés en 2019-2020 à 803 milliards de dollars, soit 31 à 32 % de l’investissement annuel nécessaire pour maintenir l’augmentation de la température mondiale bien en deçà de 2°C ou à 1.5 °C, et également en deçà de ce qui serait attendu compte tenu des possibilités d’investissement identifiées et du coût de la non-réalisation des objectifs de stabilisation du climat.
Devant l’ampleur des besoins, le fait que les États développés ne soient pas parvenus à mobiliser conjointement 100 milliards de dollars par an (le fonds est doté de 211,58 millions de dollars) montre que les arbitrages dans l’allocation des ressources financières peinent à évoluer.
Selon la COP, la mise à disposition des fonds nécessitera une transformation du système financier, de ses structures et de ses processus, impliquant les gouvernements, les banques centrales, les banques commerciales, les investisseurs institutionnels et d’autres acteurs financiers.
La communication finale rappelle que le climat est à l’intersection d’autres enjeux bien visibles, tels que l’état des océans, l’agriculture et la sécurité alimentaire, la perte de couvert forestier, pour lesquels les états sont invités à formuler des objectifs de conservation.
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